[movimenti.bicocca] Sociologie des mobilisations

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Author: Tommaso Vitale
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To: ML movimenti Bicocca
Subject: [movimenti.bicocca] Sociologie des mobilisations


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> From: Isabelle Rocca <isabelle.rocca@???>
> Date: 24 maggio 2011 11.32.20 GMT+02.00
> To: AFSP <afsp@???>
> Subject: AFSP Partenaire / Appel à contributions Journée d'études CERAPS Sociologie des mobilisations
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> L’Association Française de Science Politique vous informe sur l’actualité de ses partenaires institutionnels...
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> Appel à contributions pour le 30 juin 2011
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> Journée d'étude “La sociologie des mobilisations : objets légitimes, méthodes consacrées et objets oubliés”
> 23 septembre 2011
> Département de sciences politiques de l'Université Lille 2 / CERAPS
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> Date limite pour l'envoi des contributions : 30 juin 2011.
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> NB : Le texte a été genré de façon aléatoire afin d'éviter la lourdeur des doublets.
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> En matière de sociologie des mobilisations – et de façon plus générale en sciences sociales –, « rapport au sujet », « réflexivité », ou encore « rapport au terrain » sont des notions que tout-e sociologue a en tête au cours d'un travail de recherche. Ces questions sont peut-être présentes à l'esprit du chercheur, mais elles ne font pas l'objet de réflexions explicites dans les travaux disponibles. Si l'on peut parfois en trouver des traces dans une introduction, ou en annexe, c'est la plupart du temps sous la forme d'une réflexion personnelle, d'une auto-analyse à l'échelle individuelle : comment le chercheur a vécu son terrain, pourquoi il a choisi ce sujet, et plus rarement quels effets sa position a pu avoir sur ses enquêté-e-s sont quelques unes des questions qui sont alors traitées. C'est ainsi souvent le seul moment où la chercheuse parle (explicitement) d'elle. Ce rapport entre le sujet connaissant et l’objet de sa connaissance se limite la plupart du temps à ces considérations individuelles, et fait à première vue peu l'objet d'une analyse plus générale, d'une réflexion collective et « disciplinaire ».
> Au-delà du personnel, interroger la façon dont les courants dominants dans l'étude des mouvements sociaux peuvent orienter et circonscrire le champ de recherche permettrait de revisiter les liens entre le chercheur et son objet et de « dépersonnaliser » une réflexion qui reste essentielle dans tout travail de recherche.
> Réfléchir à l'incidence des courants théoriques sur la circonscription du champ de recherche, et revenir sur la prise en charge individuelle par la chercheuse de la question de son rapport à l'objet sont les deux tenants d'une invitation à rendre visible ce qui est par définition laissé de côté : les non-objets, c'est-à-dire tout un ensemble de mobilisations et de pratiques qui sont exclues du cadre interprétatif de la sociologie de l'action collective et des mouvements sociaux.
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> Pour faire exister ces non-objets et réfléchir à la position des chercheurs, des regards critiques et des regards extérieurs à la discipline qui nous intéresse ici peuvent aider à formuler des questions épistémologiques et politiques. Pour initier cette réflexion, les science studies (notamment les travaux de Bruno Latour, Michel Callon et d'autres) mais aussi les réflexions des épistémologues (et particulièrement l'épistémologie féministe des savoirs situés de Donna Haraway), ainsi que la philosophie des sciences peuvent aider à repenser le rapport entre sujet connaissant et objet de connaissance. En effet, les questions soulevées par ces courants de pensée (i.e. comment se construit la rationalité scientifique ? Quelles sont les implications politiques d'une science fondée sur des critères d'objectivité, de distance du sujet connaissant, d'universalité ? etc.) permettraient d'articuler une réflexion épistémologique et collective – et non plus individuelle – afin de donner forme à une responsabilité collective du rapport entre le savant et l'objet de sa connaissance en sociologie politique. Ces réflexions diverses sur le statut de la science ont en général pour horizon les sciences dites « dures », et se concentrent plus rarement sur les sciences sociales, laissant alors les sociologues passer à côté d'échanges heuristiques qui soumettraient à la discussion les critères d'objectivité de leur discipline. Paradoxalement, ce sont les objets de connaissance considérés comme objet « de nature » (i.e. les microbes de Pasteur – cf. Bruno Latour) qui ont suscité les réflexions les plus développées sur la rationalité et l'objectivité scientifique, et non les objets « sociaux » – alors même que l'objectivité semblerait a priori d'autant plus discutable que l'objet de recherche est social, c'est-à-dire vivant et pensant (et même plus précisément « politisé » dans le cas de la sociologie des mobilisations).
> La légitimité académique de la sociologie des mobilisations repose, comme pour toute discipline aspirant au statut de science, sur un principe de mise à distance, de retrait du sujet connaissant, garant de l'objectivité. Quand il s'agit d'expliciter et de réfléchir son rapport à l'objet de recherche, beaucoup de sociologues cherchent à « objectiver » ce rapport, à neutraliser les liens nés presque nécessairement lors de l'enquête, ou bien pensent qu'il est impératif d'intégrer sa subjectivité (irréductiblement individuelle) à son travail, peut-être plus souvent juste au moment de l'écriture. La peur de l'artefact , ou encore du « biais méthodologique », soit la prévention devant ce qui pourrait troubler la pureté de l'observation sociologique – est encore très présente et est symptomatique d'un attachement à un positivisme qu'on croyait dépassé, tant les références au constructivisme social sont devenues courantes.
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> Problématique :
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> La formulation même de l'objet des recherches (l'« entreprise de mobilisation ») n'implique-t-elle pas de fait un rapport politique à ce qui est étudié et à ce qui ne l'est pas? L'hypothèse ici suggérée, et soumise à réflexion, est la suivante : la catégorisation « action collective » en sociologie des mobilisations opérerait une circonscription du politique à un nombre finalement assez restreint de pratiques, traçant ainsi une frontière intellectuelle qui a le pouvoir de nommer le politique et l'apolitique (axe 1). La sociologie des mouvements sociaux a par exemple écarté « un certain nombre de domaines de la vie sociale comme la communauté, la famille, les réseaux de parenté, au profit des institutions officielles », et s'est concentrée sur des ressources « matérielles » en excluant notamment l'importance des réseaux informels dans les processus d’émergence et de maintien des mobilisations (Fillieule, 2009).
> Dans cette perspective, objectivité et neutralité axiologique se doivent d'être interrogées, en ayant comme horizon l'ouverture d'un « espace problématique où la construction de la différence entre science et non-science pourra être suivie » (Stengers, 1993 : 77), discutée, et non pas donnée. Il s'agira notamment de comprendre comment des dispositifs (méthodologie d'enquête, présentation des résultats, conventions d'écriture, forme de diffusion des savoirs etc.) « font » l'objectivité et entretiennent une vision positiviste de la rationalité scientifique (axe 2).
> Cet impératif de l'objectivité a pour corollaire de positionner dans deux mondes différents les chercheurs et le monde social, et de déresponsabiliser la chercheuse face à l'objet et à son devenir (axe 3).
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> Axe 1 : Penser la sociologie des mobilisations par ses marges.
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> Visibiliser les non-objets, c'est mettre en lumière que les choix de recherche menés individuellement, une fois agrégés, ont pour conséquence l'exclusion du champ de recherche de certaines pratiques, et le tracé d'une frontière délimitant le politique. « On le sait, rappelle Olivier Fillieule, la définition classique du champ politique est androcentrée et la prééminence qui y est donnée à l’Etat et aux élites, si elle correspond bien entendu largement à la réalité matérielle des inégalités de pouvoir, contribue en même temps à trop vite exclure d’autres domaines de la vie sociale ». Et nous pourrions ajouter « d'autres pratiques politiques ». On peut en effet remarquer qu'un certain nombre de pratiques considérées comme politiques par les acteurs ne sont (généralement) pas analysées comme « action collective » par beaucoup de chercheurs et chercheuses. Devant la diversité des types de mobilisations se situant à la marge du champ de recherche, il faut souligner que leur unité réside dans leur statut « d'impensés », de points aveugles, produits de l'ensemble des typologies et des courants théoriques dominants au sein de la discipline.
> Par exemple, les « casseurs » sont rarement conçus comme des « entrepreneurs de politique » ; la répression policière en France n'est pas analysée comme étant un élément fondamental de la « structure des opportunités politiques » (contrairement aux recherches qui portent sur les régimes qualifiés d'autoritaires) ; la typologie qui distingue le terrorisme de l'ensemble des autres mouvements sociaux, reprenant ainsi une catégorie qui fait sens dans les théories militaires de la contre-insurrection (Rigouste, 2007), est peu interrogée – ce qui contribue notamment à exclure, ou du moins à considérer comme radicalement différent tout un ensemble d'actions collectives; le cyberactivisme fait peu l'objet d'analyse en tant qu'action collective, et si les « mobilisations 2.0 » sont évoquées, c'est souvent en occultant la structure technique, économique et politique d'Internet (alors que c'est l'objet même de la lutte pour la défense et le développement du logiciel libre) ; etc.
> La liste n'est pas exhaustive, et les questions que ces non-objets soulèvent sont nombreuses : quelles autres pratiques politiques s'inventent en dehors du cadre interprétatif de la sociologie de l'action collective et des mouvements sociaux ? Comment expliquer ces points aveugles ? Quels choix théoriques font les chercheuses qui choisissent de travailler sur des objets marginaux? Comment interroger les typologies pourrait-il permettre de « décloisonner » le champ du politique ? Peut-on voir, par exemple, dans les conditions historiques de production du paradigme de la mobilisation des ressources (élaboré dans un contexte américain dont la représentation du politique est incarnée par la démocratie participative) un élément de compréhension de l'exclusion d'un certain nombre de pratiques qui ne s'inscrivent pas dans le cadre de la démocratie participative – i.e. les mouvements qui ne revendiquent pas des droits (Lapeyronnie, 1988) ?
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> Axe 2 : Techniques de l'objectivité.
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> Visibiliser les non-objets de recherche apparaît comme un des moyens d'interroger le rapport sujet connaissant/objet de connaissance et de soumettre à discussion les implications politiques d'un rapport qui se veut et se présente comme objectif. Un autre moyen consisterait à considérer non pas ce que l'on n'étudie pas, mais plutôt la façon dont on étudie les objets de recherche effectivement choisis. Ce thème de réflexion aurait pour enjeux de mettre en lumière, pour reprendre les termes d'Isabelle Stengers, les « dispositifs qui permettent de faire parler les phénomènes en sa faveur ». Par exemple, l'exclusion de la croyance politique au profit du modèle des « rétributions symboliques » pour expliquer l'engagement, a pour corolaire implicite l'idée que la grille d'entretien doit être construite de façon à pouvoir évincer les épanchements idéalistes des ferveurs militantes. Cela implique que ce qui spécifie l'humain (la conscience) devient un obstacle à l'analyse scientifique, et que les postulats théoriques façonneraient non seulement la grille, mais aussi le discours de l'entretenu, et donc les résultats obtenus.
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> Comment une réflexion sur les outils théoriques et méthodologiques de la sociologie des mobilisations pourrait-elle permettre d'éclairer la manière dont se construit une objectivité qui masque le rôle du chercheur dans la production des « données » ? Quels types de dispositifs d'enquête pourraient être plus à même de rendre compte de cela ? Pourquoi la fiabilité des résultats repose-t-elle en partie sur des méthodologies qui incitent la chercheuse à « cacher » à ses enquêté-e-s ce qu'elle étudie, et à les affaiblir ?
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> Axe 3 : Rapport aux militantismes et savoirs situés.
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> L'épistémologue Donna Haraway propose une définition nouvelle de l'objectivité qui gagnerait à faire l'objet de discussions au sein des sciences sociales: « l'objectivité s'affirme comme une affaire d'encorporation particulière et spécifique […]. Seule la perspective partielle assure une vision objective ». (2007 : 117). Par « perspective partielle », l'auteure entend réhabiliter l'importance de la position occupée par celui qui porte un regard sur le monde et qui définit « des manières particulières de voir, c'est-à-dire, des manières de vivre » (2007 : 118). Haraway privilégie alors « les points de vue des assujettis » pour la construction de savoirs critiques. Elle pense que les positions à la marge sont pertinentes pour articuler une nouvelle compréhension de l'objectivité, qui se déploierait alors dans de multiples formes de savoirs, et non pas dans un savoir, une vérité. C'est ce qu'elle entend quand elle parle d'objectivité encorporée et de savoirs situés : « Les points de vue des assujettis ne sont pas des positions ''innocentes''. Au contraire, ils sont privilégiés parce qu'en principe moins susceptibles d'autoriser le déni du noyau critique et interprétatif de tout savoir. Ils ont capté ce que sont les modes de déni au travers de la répression, de l'oubli et des actes d'escamotage » (2007 : 119).
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> Travailler la manière dont la sociologie des mobilisations construit son objectivité invite à repenser plus généralement le rapport collectif et individuel des chercheurs aux militantismes. S'il faut dépasser l'idée de l'observateur neutre et empirique de la réalité sociale, alors se pose la question de la responsabilité des chercheuses par rapport aux devenirs des « enquêté-e-s » et des modalités diverses de diffusion, de la réappropriation et de la compénétration des discours scientifiques et militants. En effet, on réfléchit plus aisément à « comment faire pour que les acteurs se réapproprient le savoir sociologique », qu'à ce qu'on fait, en tant que chercheur, aux discours militants. Comparativement, le rapport des sciences sociales à l'action publique apparaît beaucoup plus développé, réfléchi et critiqué (dans la circulation de savoirs de l'université à l'expertise par exemple), que le rapport aux mouvements politiques et sociaux. Les savoirs politisés semblent ainsi marginalisés, voire discrédités (une critique qui a notamment visée les chercheuses féministes). Et si c'était plutôt une réaction de défense contre des savoirs qui politiseraient le milieu de la recherche ?
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> En quoi des « savoirs situés » et des « perspectives partielles », qui ne prennent pas le point du vue d'un sujet universel, permettrait de reconsidérer le rapport aux militantismes du chercheur en sociologie des mobilisations ? Que cela apporterait-il à la compréhension de son travail, et à la réception de ses analyses par les milieux qu'il a enquêté ? Comment penser et mettre en pratique une responsabilité du sujet connaissant?
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> Le comité de sélection est composé de :
> Laure Béréni, Jules Falquet, Guillaume Courty, Jean-Gabriel Contamin, Colin Drouilleau et Aurore Le Mat.
> Veuillez envoyer votre contribution avant le 30 juin 2011 (entre 3000 et 5000 caractères).
> Pour toute demande d'information et pour l'envoi des contributions : colloque.ceraps2011@???
> Les étudiant-e-s de master sont les bienvenu-e-s.
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> BIBLIOGRAPHIE des auteur-e-s cité-e-s:
>
> FILLIEULE Olivier, « Travail militant, action collective et rapports de genre », in FILLIEULE Olivier et ROUX Patricia (dir.), Le sexe du militantisme, Presses de SciencePo, 2009.
>
> HARAWAY Donna, « Savoirs situés – La question de la science dans le féminisme et le privilège de la perspective partielle », in Manifeste cyborg et autres essais - Sciences - Fictions – Féminismes, Exils, 2007.
> La première version de ce texte fut présenté à l’American Philosophical Association, à San Francisco en mars 1987, puis publié au Feminist Studies 14, no.3, 1988, pp.575-600. ; et finalement inclu dans : Donna Haraway, Simians, Cyborgs, and Women : The Reinvention of Nature, Routledge, New York, 1991, pp.183-201 (traduit en 2009 aux éditions J.chambon).
>
> LAPEYRONNIE Didier, « Mouvements sociaux et action politique. Existe-t-il une théorie de la mobilisation des ressources? », in Revue Française de Sociologie, 29(4), 1988.
>
> RIGOUSTE Mathieu, « L’ennemi intérieur, de la guerre coloniale au contrôle sécuritaire », Cultures & Conflits, 67, 2007-3.
>
> STENGERS Isabelle, L'invention des sciences modernes, Paris, La Découverte, 1993.