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Author: Tommaso Vitale
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To: ML movimenti Bicocca
Subject: [movimenti.bicocca] Villes internationales. Entre tensions et réactions des habitants
Villes internationales. Entre tensions et réactions des habitants
Un ouvrage sous la direction d’Isabelle Berry-Chikhaoui, Agnès
Deboulet et Laurence Roulleau-Berger (Paris, La Découverte, coll.
"Recherches", 2007, 315 p., 32€)

Introduction : Internationalisation, dynamiques économiques et
urbaines et positions des citadins, par Agnès Deboulet, Laurence
Roulleau-Berger et Isabelle Berry-Chikhaoui - I / Figures de villes
internationales : tensions et réactions - 1. Istanbul, entre Paris et
Dubaï : mise en conformité « internationale », nettoyage et
résistances, par Jean-François Pérouse - 2. Mumbaï, première ville de
quoi ?, par Djallal G. Heuzé - 3. La banlieue fantasmagorique, les
conveniences stores et la transparence : de quelques aspects de la
ville japonaise, par Kazuhiko Yatabé - 4. Barcelone : de sa
projection internationale à l’affirmation des repérages identitaires,
par Danielle Provansal, Nadja Monnet, Cécile Miquel et Elisa Tabakman
- 5. Grand projet emblématique et internationalisation à Lisbonne :
voisinages imposés et imprévus autour du Parc des Nations, par Frank
Dorso - II. Résistances, ajustements et vulnérabilités - 6.
Restructurations urbaines à Marseille à l’heure de
l’internationalisation : tensions et régimes d’action, par Isabelle
Berry-Chikhaoui et Agnès Deboulet - 7. Caracas : (habiter la) ville «
fragilisée », (se rendre compétent dans la) cité vulnérable, par
Pedro José García Sánchez - 8. Les compétences précaires en question.
Réflexions à partir des squats marseillais, par Florence Bouillon -
9. Parcours des jeunes et précarité dans des quartiers populaires de
Tunis. Exemple d’Ettadhamen-Douar Hicher, par Ridha Ben Amor - 10.
Apogée et déclin d’une nouvelle classe de citadins : les lotisseurs
dans une banlieue irrégulière de Beyrouth, par Mona Fawaz - III.
Circulations, ancrages et disjonctions - 11. Les oubliés de la
mondialisation à Shanghaï et Beijing : captivités et résistances des
migrants peu qualifiés sur les marchés du travail, par Laurence
Roulleau-Berger - 12. Nouvelles circulations, activités économiques
et présence asiatique dans les villes espagnoles, par Joaquín Beltrán
et Amélia Sáiz - 13. Naples. Ethnicisation et circulations
migratoires dans un contexte urbain méditerranéen, par Adelina
Miranda - 14. Entre guerre et paix : chronique d´une condition
urbaine moderne. Les citadins de Jérusalem-Est, par Sylvaine Bulle -
Index.

Par Myriam Houssay-Holzschuch [1]

« Les restructurations urbaines et des marchés de l’emploi dans les
villes internationales suscitent une mise en tension spécifique d’une
fraction non négligeable des citadins » (p. 7) : cette, ou plutôt ces
mises en tension sont explorées dans un ouvrage collectif, réalisé
dans une optique pluridisciplinaire (sociologues surtout mais aussi
géographes, urbanistes et anthropologues). Les lieux choisis sont
avant tout des métropoles méditerranéennes (Jérusalem, Marseille,
Barcelone, Naples, Tunis, Istanbul, Lisbonne, Beyrouth) mais aussi
d’autres villes « globales » telles que Caracas, Mumbai, Pékin/
Shanghai et les grandes villes japonaises. La plupart des villes
étudiées jouent un rôle mineur dans l’économie globale, mais majeur
dans les flux régionaux : ce sont largement des villes relais de la
mondialisation.

Ces restructurations décrivent bien entendu un processus global, mais
qui donne naissance à une « combinaison extrêmement large de
configurations sociopolitiques et sociospatiales et de réactions aux
tensions suscitées » (p. 8). Chaque étude de cas est donc l’occasion
de cartographier une configuration possible. Cette entreprise, qui
revient à explorer la dialectique local/global, est partagée par bien
d’autres travaux de sciences sociales, mais Villes internationales
souhaite y apporter deux éléments originaux : d’une part, l’ouvrage
souligne l’importance d’approfondir « les liens entre
restructurations économique et urbaine, entre marché du travail et
marché du logement » (p. 8) et tente de mettre en pratique cette
double démarche, alors que les deux champs sont bien souvent étudiés
séparément. D’autre part, il rejette les notions de globalisation et
de mondialisation pour se focaliser sur la notion
d’internationalisation. Les raisons avancées sont de dépasser les «
paradigmes économiques » des autres termes et de prendre en compte
une « vision constructiviste » (p. 9). Je ne sais si ce choix était
nécessaire : la compréhension du terme de globalisation a largement
été étendue au-delà du champ de l’économie [2] et la définition
donnée de l’internationalisation [3] recoupe très largement la façon
dont la globalisation est désormais entendue.

Les changements urbains accélérés dont les villes sont l’objet se
manifestent notamment par des logiques de projets et du marketing
urbain, pour être le plus compétitif possible dans un marché urbain
désormais international. Tous ces « mots d’ordre mondialisés
concernant la gestion urbaine » [4] masquent assez largement
l’urgence des besoins citadins. En d’autres termes, proposés par
Pedro José Garcia Sanchez dans sa très intéressante étude de Caracas,
il s’agit ici de comprendre comment la « cité moderne peut se faire
sur commande » (p. 171), et quelles sont les réactions des citadins.

Dans la lignée des travaux précédents des éditrices [5], les citadins
sont présentés comme compétents, soit « capables d’infléchir le cours
des choses en refusant de se couler strictement dans les propositions
qui leurs sont faites et de modifier les univers de sens prescrits
» (p. 10). Cette compétence aussi peut s’articuler dans la
dialectique local/global. Le diagnostic confrontant cette «
pragmatique urbaine » (Garcia Sanchez, p. 177) et les projets urbains
est moins d’une dualisation sociale, plus d’une « segmentation des
intérêts à agir » (p. 10).

Les thématiques abordées au sein de cette problématique sont
extrêmement variées. Citons, sans exhaustivité y compris pour les
villes évoquées, quelques sujets stimulants : les restructurations
urbaines, leurs discours et pratiques à Lisbonne, Marseille, ou
Istanbul, où l’on assiste à la reformulation du vieux paradigme de la
modernisation/occidentalisation pour tendre vers le modèle conjoint
de Paris et Dubaï ; comment une grammaire de la violence s’est étalée
dans la vie et l’espace urbain de Caracas et de Mumbai, en réponse à
la fois à des émeutes et à la place croissante de la classe moyenne ;
les techniques de gouvernementalité et l’hétéronomie spatiale (la vie
sociale et les citoyens sont gouvernés par des règles émises de
l’extérieur) dont les citadins font l’apprentissage, ainsi que les
petits agencements qu’ils mettent en place pour vivre à Jérusalem ;
les trajectoires des pauvres et migrants récents, dont la visibilité
est toujours un enjeu : Anatoliens rejetés, ouvriers de Pékin et
Shanghai, circulations diasporiques à Barcelone ou Naples, lotisseurs
dans une banlieue irrégulière de Beyrouth ou squatters marseillais
développant des « compétences précaires » (Bouillon, p. 189).

À l’image de Barcelone, ces tensions et réactions font apparaître des
nouveaux acteurs « non plus comme des figurants muets au sein du
décor que la ville cherche à projeter à l’extérieur (...) mais comme
des acteurs en train de jouer sur une autre scène, dans un scénario
parallèle et secondaire, qui ne recouperait que ponctuellement la
trame principale » (Provansal et al., p. 116). Cet ouvrage en explore
différentes modalités. Reste, toujours ouverte, la question de
l’efficacité de ces petits agencements citadins et de la dissymétrie
des pouvoirs agissant sur la ville - question dont la réponse est
sans doute moins scientifique que politique.

[1] Maître de conférences en géographie à l’ENS LSH et Visiting
Research Scholar à Syracuse University (USA).

[2] Voir notamment INDA J. X., ROSALDO R., 2002, The Anthropology of
Globalization : a Reader, Oxford (UK), Malden (USA), Berlin,
Blackwell, 2002.

[3] « (...) prise dans le sens de processus de « globalisation
économique » qui relaie le processus de destruction-création
permanent du capitalisme, mais aussi circulation accrue d’influences,
de références et de modèles, qui se veulent non pas hégémoniques ou
coloniaux mais pluriels » (p. 10).

[4] OSMONT Annik, GOLDBLUM Charles (éds), 2003, Villes et citadins
dans la mondialisation, Paris, Karthala / GEMDEV, cité p. 17.

[5] BERRY-CHIKHAOUI Isabelle, DEBOULET Agnès, 2001, Les compétences
des citadins dans le Monde arabe. Penser, faire et transformer la
ville, Paris, Karthala - IRMC - URBAMA.